La pêche, un art de l'impatience ?Pour la plupart, pêche rime avec patience, passivité, ennui. C'est l'éternelle caricature du pêcheur en papi affalé devant sa canne, les yeux rivés à son flotteur qui ne coule jamais.Or, à lire les récits ou à regarder les photos de Jacques-Étienne Bovard, qui rôde depuis son enfance le long des rivières et des lacs, on verra que la pêche peut se décliner en inventaire émotionnel extraordinairement contrasté et intense : le temps devient affût passionné, au seuil d'un autre monde, où se confondent la mémoire et le rêve. La rivière se livre, ou ne se livre pas, telle une femme irrésistible et insaisissable. Quel ennui ? Quelle patience ? Le pêcheur rôde, ruse, rêve, délire, jubile, explose - de joie, de fureur. Et c'est toujours un morceau de lui-même qu'il finit par ferrer, dans les clairs-obscurs où le regard se perd.Une ébauche originale du monde de la pêche comme support de réflexion sur l'existence et l'humanitéEXTRAITIl se rappelle avoir roulé-boulé pour s'éloigner des sabots, s'être même demandé sitôt après où était son cheval.Or il faut admettre qu'il n'y a pas de cheval.Pas cette fois-ci.Il faut admettre qu'il est tombé tout seul, ou plutôt qu'il a été sa propre monture fantasque, et s'est désarçonné lui-même, éjecté de l'intérieur?Son crâne tinte comme une cloche, le gros orteil gauche hurlant dans la botte muette. Rien de grave pourtant, c'est déjà une espèce de certitude, accompagnée d'une curieuse envie de rire - mais attention à cette euphorie d'après choc. Nom, prénom, date de naissance, plaques minéralogiques?C'est bien lui. Merci l'épais bonnet de laine roulé sur le front, qui a absorbé la moitié du coup. À part ça, on est le premier dimanche de mars, à trois cents mètres de l'embouchure de la Venoge, au petit matin de l'ouverture de la pêche. Tout va bien.
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