Une compétition littéraire s'organise et malgré son élitisme des auteurs de romans de gare comptent bien y participerXavier le jeune judoka, Charlène la belle voyageuse, Borloz le motard pornographe. Points communs : auteurs de romans de gare, apparemment aussi contents de leur vie que sans arrière-pensées.Or, les voici précipités dans « L'Escapade » de Francophones sans frontières, qui cette année-ci invite la fine fleur des écrivains de Suisse romande, parmi lesquels le fameux Pierre Montavon, apôtre de l'écriture « sacrée » et papable sérieux pour le Prix Nobel. Ce qui devait être une villégiature se transforme en poudrière. Les « pitres » n'ont pas leur place dans cette cour-là. Ils s'incrustent, pourtant. « Après tout, écrire, lire, pourquoi faudrait-il que ce soit réservé ? » Ce n'est peut-être pas réservé, mais certes jamais innocent...Strasbourg, Verdun, Reims, Château-Thierry, Paris jalonnent les péripéties de cette initiation à la fois farcesque et grave, entre vanités et vérités. Personne ne sortira indemne de l'affrontement, avec les autres ou avec soi-même.Un roman enthousiasmant et dynamique qui nous prouve la force de l'adage "Quand on veut on peut !"EXTRAITCela faisait un moment que cette histoire me mijotait dans le fond de la tête, et que d'autre part j'épluchais les tourniquets à bouquins du supermarché voisin. Une maison d'édition nommée Weekend, en particulier, présentait une ribambelle de petits volumes souples, aux couvertures pimpantes, deux cents pages aérées, qu'un public divers jetait souvent par deux ou trois dans son caddie, parmi les légumes et les boîtes. Les titres se renouvelaient sans cesse. Il fallait bien des gens pour les écrire, qui évidemment n'étaient pas des écrivains : des amateurs, des débutants, des refusés, des modestes, enfin des gens, quoi, pareils à mes Aînés qui mouillaient vaillamment leur kimono pour obtenir la ceinture jaune.
Incurable optimiste, content de son sort, de sa "tête à courant d'air", Xavier le narrateur commence dès l'enfance à aimer la lecture. Son père l'oriente vers le judo, dure formation qui lui apprendra l'ambition, la réussite, avec en corollaire la question: à quoi ça sert?
Il abandonne la compétition et vit de petits boulots. Il découvre pour la première fois le bonheur de raconter par écrit, tranquillement, dans le style de tous les jours, des histoires de sportifs qui seront publiées dans la série de romans "alimentaires", faciles et sans prétention, tous sur le même modèle, ce qu'on appelle des romans de gare.
Invité par erreur à une "escapade" en France avec des écrivains romands, il verra s'émietter ses certitudes. Et cela nous vaut la plus superbe confrontation avec un écrivain très connu, aussi prétentieux en public que sincère dans son travail.
Cette Cour des grands est un chant merveilleux à la gloire du travail pénible, assidu et toujours recommencé de celui qui veut, avec courage et honnêteté, trouver les mots pour s'exprimer. On sent que l'auteur parle de choses qu'il connaît bien et avec un art tel qu'il vous laisse de quoi réfléchir même après avoir fermé le livre.
JULIETTE DAVID, Suisse Magazine